Let your heart be broken – épilogue

PRÉAMBULE
La kinésiologie tend à reconnecter le vivant au vivant, en mettant en lumière (conscience) les idéologies (systèmes de croyance) qui nous dominent. La kinésiologie met comme point de départ non pas la pensée mentale mais le ressenti du corps, générateur d’émotions, pour, en dernière étape, permettre de faire des liens justes pour soi et structurer, avec le mental, une pensée incarnée. La kinésiologie reconnaît la trinité corps-cœur-mental pour l’unifier en un tout cohérent, à la base du vivant. Bien-sûr on peut vivre de manière avortée (aliénée), soit sous la dominance de son mental, ou de son corps, ou de son cœur. La kinésiologie nous fait ressentir à quel point cela est du domaine de la survie, pas du vivant.
Que me dit la kinésiologie, en tant que thérapie psycho-corporelle et thérapie de développement personnel, sur les évènements extérieurs de ma vie et du/de mon monde ?

 

Quand elle est partie je n’étais pas là, je me suis retenue d’entrer dans sa chambre, de m’imposer auprès d’elle une minute pour lui dire au-revoir, rendez-vous de l’autre côté quand ce sera mon tour. Je ne me sentais pas légitime, ma douleur n’était pas légitime en comparaison de la douleur de l’autre, plus haut que moi dans la hiérarchie de son cœur.

Quand ses cendres ont été remise à la terre je n’étais pas là, je n’ai pas pu lui dire au-revoir, rendez-vous de l’autre côté quand ce sera mon tour. My broken heart a pleuré, j’ai partagé ma douleur avec ceux qui sont au sommet de la hiérarchie de mon cœur. Ça semble juste, équitable, carré, à chacun sa hiérarchie, son château, son domaine.

Perdre un être au sommet de la hiérarchie de son cœur, c’est honorer la personne inconditionnellement, la ressentir dans son corps, de manière unique et magnifique. Mais quand cette personne-là part, avec elle partent toutes les autres elles, celles qui l’ont précédée, et qui, en leur temps, siégeaient au sommet de la hiérarchie du cœur d’un autre, voire de plusieurs autres. Ces autres « elles » de la poupée gigogne ont leur propre histoire, un fil qui n’en finit pas de grandir et de se développer, un entrelacs de connexions et de branchements affectueux à l’intérieur de tous ceux qui l’ont connue, et au-delà. Cette construction dépasse toutes les hiérarchies personnelles, famille nucleus, réseau d’amis, clan ou tribu. Ces connexions d’affect irradient de l’intérieur pour venir illuminer ou assombrir, souvent de manière inconsciente, la toile ontologique des relations humaines. C’est le lien avec ta plus petite poupée gigogne que je pleure encore aujourd’hui. J’étais connectée à cette figurine-là depuis toujours, et la connexion n’est plus, comme un morceau de moi arraché, un morceau de peau, du cœur…ma connexion avec un nœud brillant dans la toile ontologique des hommes que je ressens maintenant qu’elle n’est plus, et qui m’animait. Ça fait encore mal, une blessure toujours ouverte, qui suinte encore. Je ne peux qu’attendre qu’elle sèche au rythme de mon corps pour devenir ma cicatrice, une césure dans les branchements du vivant. Quelqu’un me disait très justement que, dans un deuil, on pleure toujours sur soi-même, sur sa propre perte. Je prends conscience, dans un éclair furtif de conscience, de faire partie du firmament du vivant en ressentant dans ma chair la déconnexion avec une de ses étoiles. Douloureux et exaltant à la fois. Paradoxale, la perte de la connexion au champs infini du vivant, qui me fait me sentir vivante.

A moi de soigner ce saignement entre mon cœur et le vivant, cet effondrement dans les fondations de la hiérarchie de mon cœur, la perte d’une de mes figurines. Avec patience et écoute, le processus invisible de la vie dans le temps qui passe cicatrisera mon cœur, ma peau, mon corps. Est-ce qu’elle aurait pu être partagée avec tous ceux qui souffrent aussi de la même extinction d’étoile ? chacun dans sa réalité mais ensemble ? peut-on simplement souffrir intérieurement sans être seul à l’extérieur ? Est-ce que la souffrance se partage, comme la joie et le bonheur ? Peut-on ressentir le bonheur pleinement sans le partager ? Juste à l’intérieur, sans le laisser irradier vers l’extérieur, en le mettant sous cloche ? Le plus beau après l’amour, n’est-ce pas d’en parler ? Au-delà du bien et du mal, du beau et du laid, du jugement de valeur ou du système de croyance, il n’y a aucune différence entre la douleur et le plaisir, la tristesse et la joie. Mise sous cloche, l’émotion étouffe, l’être qui la subit se coupe un peu plus du champ du vivant, et ce n’est qu’à force de diversions et dans la fuite, par des artifices chimiques ou virtuels que la douleur de la coupure est anesthésiée, l’émotion contenue, pour un moment, jusqu’au prochain shoot. Un jour les shoots ne suffisent plus, et l’émotion coupée du vivant devient insupportable, elle implose. Alors c’est à notre tour de quitter notre château, de dire au-revoir à l’autre, rendez-vous de l’autre côté quand ce sera ton tour.