Le nord du Yunnan

Après deux nuits dans notre base de Kunming, encore sous le charme de la Moonlight dance, nous retrouvons les Crettaz-Corredor (les CC) à la gare, qui échappent à la pollution et humidité de New Dehli. Un peu abîmés physiquement, ils ont l’air d’avoir un bon moral, large sourire, amoureux comme au premier jour (une constante !), flanqués de leurs deux magnifiques filles qui poussent plus vite que le bambou. Destination Dali au bord du lac Erhai, une grande bourgade moderne perchée à près de 2000m d’altitude, mais qui a su restaurer son ancien bourg médiéval: maisons basses en pierre et bois, avec des relents de vieux raccards, rues pavées, entrelacées, vieilles portes aux 4 points cardinaux avec un semblant de mur d’enceinte. On dirait un peu l’arc lémanique? Avec quelques sommets enneigés de la chaîne des Cangshan en contre fond? Oui, mais à échelle chinoise, en beaucoup plus grand. Le vieux Dali est un fouillis de boutiques et restos, à la Pingyao, mais plus alpestre, où l’on retrouve tout le bazar habituel, et quelques restos occidentaux, témoins de l’attrait de cette ville aux contreforts de l’Himalaya pour les trekkeurs et routards en tous genres. S’il y a un sommet il faut le gravir, un fond il faut y plonger, une rivière à traverser il faut rafter, une tyrolienne il faut s’y tyrolier…c’est le yang qui domine, l’action, le faire, l’avant. Toujours plus haut, plus vite, plus que les autres et plus que soi-même, insatisfaction permanente malgré l’exhilarité de l’exploit. La Chine est grande, il y a toujours plus à faire et plus beau à voir. Nous sommes fatigués, à cause de l’altitude ? Des 2 mois de déplacements ? Ou des 47 ans révolus? Ou d’un peu tout. La dimension yang de ce genre de voyage nous pèse, la tension entre consommer ou ressentir, aller vers un but ou flâner, faire ou laisser faire, avoir ou être. Ursula en est pour quelque chose sans doute, comment être dans le yin dans un monde ou le yang domine ?

Dans la dimension être et ressentir on se fera quelques bons restos (merci les CC!), et bons petits déjeûners au Fly me to the Moon…une certaine saturation de cuisine chinoise se fait sentir chez les Lindo-Nicolet. Une belle ballade aux 3 pagodes, vieilles de plus de 1000 ans et qui auraient du sismiquement tomber depuis belle lurette, au milieu d’un parc fait pour le tourisme de masse, avec temples sans âmes mais une belle nature d’automne. Et une escapade au village de Xizhou, refait pour les touristes bobos, facile et charmant mais un peu parc d’attraction quand même. Un bijou: la demeure d’un ancien marchand de chevaux et caravanier, Monsieur Ian, un mélange de chalet bernois aux vérandas vitrées, bois peints et sculptés, plafonds bas, et de vieux raccard élégant sur pilotis, larges poutres, sol en pierre. Les enfants jouent, peu importe le temple, la pagode, l’hôtel, le temps, le pays…

Le troisième jour à Dali, nous partons tous pour Lijiang en bus, à travers collines frôlant les 2400m. Le centre ville, soit la vieille ville, est piéton, exceptés les quelques véhicules et scooter électriques autorisés. Nous voilà à Saas Fee, ou Zermatt: rues tortueuses pavées, maison basses en bois, sur pilotis et pierre (les raccards), et l’eau, considérée sacrée pour les Naxi, qui dévale les pentes de la ville en dizaines de petits bisses alpestres. Décidément, est-ce le moment de rentrer au bercail?
La ville est faite (ou a été refaite) pour le tourisme bourgeois, bourgeois-sportif. Chaque coin de rue est plus beau que l’autre, chaque pont plus romantique, chaque bassin plus charmant, chaque rigole plus bucolique. Mis à part la place du marché et les rues adjacentes de bars, tout est mignon, rupestre, charmeur, vaut le cliché…un Saasi world en plus beau, plus classe, et sans les Saasi, que demander de plus?! Les coins routards-montagnards pullulent aussi, avec bouffe occidentale (burgers, pizza, ribs, et vin local imbuvable), et propositions d’excursions plus haut (le fameux village de Shangri-La, une pure invention romanesque), plus froid (le Tibet, comment allier l’exploit sportive à l’aventure spirituelle, le tout dans le même pack), plus performant, plus trek. Les hauts sommets, la montagne du Dragon de Jade, culminent à 5596m. Ca fait envie, d’aller sur le toit du monde, mais on est les 8 fatigués, les uns du boulot-dodo, les autres…du non boulot-dodo?…un mystère. On se fera une belle ballade à vélo jusqu’à Baisha, un petit village à 10 km de Lijiang qui garde son caractère rupestre et tranquille. Immanquablement nous nous délectons de quelques séances de shopping avec nos teenages de filles (et garçon, qui passe pour une fille à chaque fois, pratique dans les WC publics!), et de quelques bons restos bienvenus.

Notre hôtel, tenu par des teenagers charmants et attentionnés, est tout confort: moquettes pas très nettes mais adaptées au climat, balcons couverts avec sofas au soleil, grands lits ronds en velours rouge et voiles roses pour les adultes, et grands lits doubles avec sofas et baignoires rondes pour les enfants. Le deuxième jours, alors que les CC adultes font une escapade matinale pour aller (re)voir le sorcier du coin, nous nous prélassons au soleil dans notre lit digne de Rocco, et sur les balcons: vision magique, derrière les voiles roses des baies vitrées de notre chambre lune de miel, les toits Han relevés aux extrémités tels des queues de dragons, et les montagnes du toit du monde qui se détachent sur le ciel bleu…

Les retrouvailles se clôturent par le traditionnel spectacle: l’histoire potteresque, ou pullmanesque, de 4 enfants qui voyagent entre les 2 mondes, et de leur maître Shangi. Prochain épisode annoncé pour Nöel: la vieille chèvre…on est impatients! Aprės nous avoir allégés de quelques kilos (merci!), les CC nous quittent vers 20h pour Kunming, retour à Dehli l’infernale le lendemain. Le moral au fond des souliers, on arpente les rues de Lijiang seuls, dans l’espoir de se divertir, de s’en mettre plein la vue au milieu de la foule (on ne se sent jamais longtemps seul dans ce pays…) Et ca marche, quelques Nihāo et sourires, et nous voilà choyés du regard par les milliers de visiteurs intrigués et bienveillants, qui regardent Aram et Shems avec curiosité…qui est la fille? y a-t-il un garçon qui se cache sous cette touffe de cheveux longs…? On retrouve même le couple de Hong-Kong rencontré dans notre hôtel favori de Jinghong! ”Je n’ai plus personne, je n’ai plus rien à faire” sera quand même le motto des deux cette soirée, après le départ de Chloé et Paola. Dur dur d’être coincés avec ses deux vieux parents, exilés sur le toit du monde, alors que le centre est à Charrat…