Transe Siberie/Manchourie

Le transmanchourien 02: de Moscow il file droit vers l’est, en frôlant le nord du Kazakhstan, la Mongolie, a travers les forets sibériennes jusqu’en Manchurie ou il pique vers le sud en direction de Bejing. 9000 km de bouleaux, forets, steppe, des villages de cabanes en bois colorées et aux vitres décorées, bucolique (et en théorie paradisiaque pour les fans de permaculture)…une touche de romantisme a la Jivago peut-être, mais sans la belle et sans Omar…pauvre et abandonné, c’est le sentiment qui ressort du voyeurisme touristique a 80km/h a travers les fenêtres noircies par l’engin diesel de notre loco crachant sa suie puante a travers les espaces vierges. Sale, vétuste, crasseux, relents de cigarettes, couchettes au velours turquoise râpé, toilettes puantes donnant directement sur les voies, pas d’eau potable, un samovar qui suinte et qui nous a transmis une légère diahrée, ajoutée a mes rindgindgins, les 7 nuits et 6 jours de voyage ont rendu l’expérience inoubliable, dans le corps du moins. Ajouté a cela les 6 heures d’attente pour sortir de Russie, dans ces caissons en métal immobilisés au soleil, sans fenêtres ni portes ouvertes, les 5 heures supplémentaires pour entrer en Chine, et le personnel de train a l’image de beaucoup de Moscovites croisés, soit visages fermés, toutes émotions faciales gommées au papier de verre, sans doute castrés a tous les niveaux par les années de capitalisme d’état.

Recommanderais-je ce voyage en train de l’Occident vers l’Orient? Et bien oui! Non seulement parce que les paysages sont superbes, et l’ambiance confinée, même si crasseuse, force la socialisation et les rencontres insolites. Mais aussi et surtout parce que ce périple m’a permis de réaliser qu’il était normal, voire révélateur, d’en baver sur un parcours de plus de 9000km pour les bipèdes que nous sommes. Pourquoi ne pas prendre l’avion? Parce que nous ne sommes pas des bipèdes ailés, et que si nous l’étions, la migration elle aussi serait difficile et non sans heurts. La fatigue, la sueur, la saleté, l’inconfort, donnent du sens a un tel périple pour les mammifères que nous sommes. C’est parcourir 9000km a 10’000 mètres d’altitude en quelques heures qui perd son sens, car n’est plus en lien avec notre condition physique. Mon inconfort durant de ces quelques jours m’a révélé a quel point, pour moi, la magie du voyage cesse lorsqu’il n’ y a plus de lien entre action et agent, plus de ressenti physique (9000km c’est forcement pénible physiquement) de l’action sur l’agent et ses limites. Gommer toutes les contraintes tue la magie. Alors tout devient accessible, facile, sans douleur, les dimensions s’effacent et perdent toute valeur, le monde rétrécit et devient petit, plat, sans relief, inintéressant…on ne voyage plus mais on consomme.

Une phrase d’Erich Fromm sur la souffrance qui dit, en substance, que si l’homme perd sa capacite a souffrir, il perd sa capacite a se rebeller, a refuser l’inacceptable.

(Vous serez comme des dieux, E. Fromm)

Et une petite derniere sur l’action:

“The individual has to be active in order to overcome his feeling of powerlessness. This kind of effort and activity is not the result of inner strength and self-confidence; it is a desperate escape from anxiety. “

(Fear of Freedom, Erich Fromm)

 

 

transports publics

Le metro a Moscow, une veritable oeuvre d’art. Les prochaines images sont une selection des plus belles stations de metro de la ville, toutes diffentes.

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