Guilin et la rivière Li

Nous quittons le paradis de la vallée de Shaxi pour Kunming, notre base au Yunnan, l’hostel Uplands où nous retrouvons souvent les mêmes chambres. Cette-fois-ci Shems et Duncan (nous faisons chambres séparées!) seront interdits de retour dans leur chambre jusqu’à minuit. Les clés électroniques c’est bien, sauf quand ca bug, et qu’une bonne vieille clé avec serrure n’existe plus.Nous retrouvons aussi à Kunming notre terrasse préférée, avec patatas bravas à la chinoise, salade de bœuf froide et piquante, et pilons de poulet frits. Et les derniers achats de tampons pour la kinésiologie et le new B&B de Charrat (?).

Nous repartons le lendemain en train rapide pour Guilin dans le Guanxi. Bye bye Yunnan qui nous a épatés pendant 1 mois. Le trajet vers Guilin annonce le paysage à venir: pains de sucre karstiques, tels des géants au milieu d’une campagne agricole et lacustre : magnifique ! Ces paysages sont considérés comme les plus romantiques de la Chine, par ciel bleu comme sous les nuages qui enveloppent les pics d’écharpes de dentelle.

Le train rapide est souvent notre salle de classe, il nous motive à mettre aussi le turbo et avaler les nombreux thèmes du curriculum. Statique, extérieur, riche en faits et objets, ce curriculum est une bataille, un sommet à conquérir. Il faut lutter, endurer, se forcer à y retourner, studieusement, page après page, objet après objet, sans émotions ni plaisir, mais dans la volonté d’arriver au but, à la dernière page. A l’image du paysage qui nous entoure, pointes karstiques résistantes et guerrières, isolées, compartimentées, cet apprentissage est dans l’effort, la résistance, le dur, la verticalité, le masculin. Quid de l’horizontalité? La rivière Li, soyeuse et douce, qui méandre entre les pics et relie collines ondulantes et plaines fertiles? Quid de la sensualité féminine d’un paysage unifié et harmonieux? Ces érections calcaires sont les reliques fragiles d’une entité plus vaste et harmonieuse, maintenant érodée. Dans ce décor, le curriculum scolaire fait miroir à cette masculinité verticale, sans sensualité ni profondeur lorsque spoliée de sa féminité. Il faut dominer la matière étudiée, mentaliser l’objet extérieur, l’analyser, le contrôler, s’en différencier et s’en isoler, s’isoler du Vivant, soit-il un arbre, une langue, ou l’histoire des hommes et de l’univers. Notre appréhension du réel scolaire en est réduit à l’analyse scientifique immobile d’objets inertes par des sujets que l’on veut standardisés et sans émotions, où mouvement et transformation intérieurs, inhérents à la mise en relation avec le Vivant, sont prohibés. Un paysage karstique sans eau; une rivière canalisée, qui ne peut ni découvrir, ni se mélanger pour grandir…un hourrah aux maitres et maitresses qui composent en souplesse avec ces programmes destinés à faire de la relève de bons petits soldats du monde du travail, masculins, coupés de leur ressenti, obéissants et performants. Les pics karstiques du Guanxi, pour moi, sont le miroir phallique de l’ego surdimensionné de l’Etat moderne masculin, de la fonction publique, en jupes ou en pantalons, de la communauté scientifique, du monde académique.
La lutte, le formatage sont tels qu’on ne se rend même plus compte qu’on passe à côté de l’essentiel, de l’unité, de la complémentarité, de l’harmonie avec son environnement, du présent, et qu’il faudra tout désapprendre si l’on veut retrouver un semblant d’harmonie avec soi-même, se retrouver. Tant d’années à remplir nos têtes de futilités, sans se rendre compte que, dans un pot, c’est le vide qui compte, qui nous est utile, pas le pot.

Dans la petite ville de Guilin nous dégotons un magnifique hôtel dans la verdure au bord de la rivière, avec terrasse, toit ouvert etc. Le temps et l’endroit idéal pour une grande lessive, un bon resto afin de goûter la spécialité du coin, le poisson à la bière, et quelques ballades. Nous nous y prélassons, admirons le point de vue de cette mer de pains de sucre au sommet de quelques pics, avec descente en toboggan en bonus. Reposés, nous repartons en bus pour Yangshuo, THE place pour se délecter de ce paysage elfique. La (re)lecture du Seigneur des Anneaux aidant, nous sommes les 4 aspirés par le monde de Tolkien qui s’accorde à la perfection avec les lieux.

Yangshuo sera la grande déception du Guanxi. Autrefois base des routards fatigués, nichée dans les méandres de la rivière Li et Yulong, village de pécheurs, elle devait être un bourg d’Elfes tel Rivendale. Mais, développement boulimique aidant, il ne reste plus rien du Rivendale d’autrefois, s’il n’eût jamais existé, sauf une ville poubelle de X millions d’habitants, au bord d’un fleuve surexploité pour le tourisme et la pêche (aux explosifs!). Deux parcs à la circulation restreintes permettent encore quelques ballades nonchalantes à vélo le long des deux rivières. Le reflet des pains de sucre et nuages dans les eaux vertes et huileuse valent la visite, même si rats crevés, poubelles déversées dans les canaux ou brûlées en plein air, et chantiers permanents de nouvelles tours de bêton sont en vue, ou en sonorité, en permanence.

Notre joyau sera l’hôtel Bamboo Leaf, l’hôtel idéal des expats en Chine qui viennent fuir les tours en béton le temps d’un weekend. L’Africa Jade de la Tunisie, avec piscine, nourriture occidentale exclusivement, personnel qui parle anglais…le concept parfait pour étrangers de passage ou résidents fatigués, développé par un (des) Suisse (Kalbschnitzel Zuercher Art au menu) et associés chinois. Salle de classe sur la terrasse du dernier étage, sur fond de pains de sucre, récrés dans la piscine, excursions à vélo, baignade dans la rivière Li, bains de boue et sources d’eau chaude dans la grotte Moonhill. Nous partons après 1 semaine de détente, choyés, vers Guilin afin de prendre le bus pour la dernière étape, la Mer de Chine!

 

 

Shaxi photos

Parce que c’est tellement beau…